Mardi 5 Déc. 2023 - Conférence Science - Moyen âge scientifique
Texte de Gérard & Martine DN -
À l’apogée de l’Antiquité (IIe siècle), l’Empire Romain était un monde en paix, unifié, avec une langue, une religion et où les idées circulaient librement. Après sa chute, ce monde est remplacé par trois autres :
L’Empire Carolingien, L’Empire Byzantin et L’Empire Musulman.
Avec 3 langues du Savoir : le Latin, le Grec et l’Arabe.
Les sources historiques sont des papyrus et des livres de parchemin (codex), dont la fragilité a nécessité de nombreuses copies au cours des siècles, entraînant une déformation des textes originaux. Exemple : L’Almageste de Ptolémée a dû être recopié à 5 reprises au moins entre 150 (date de création) et 1500 quand il réapparaît en Occident.
L’image d’un Moyen Âge obscur où l’homme doit payer le péché originel est né chez les humanistes de la Renaissance et les philosophes des lumières du XVIIIe siècle, principalement à cause de la place prépondérante qu’y occupait la religion.
Le nouveau regard des chercheurs, appelle désormais les VIe et VIIe siècles, « Antiquité tardive » plutôt que « Haut Moyen Âge », celui-ci commençant désormais une fois la fusion de la culture romaine et de l’apport barbare terminé, c’est-à-dire au VIIIe siècle.
Dans cette époque de confusion, les administrations périclitent, la population retourne à la campagne, les routes sont devenues dangereuses et les bibliothèques brûlent.
Seul le Christianisme laisse une lueur d’espoir dans ce monde incertain et vers 520, deux évènements majeurs le favorisent :
La fermeture de l’académie d’Athènes, fondée par Platon, centre de la science païenne fondée huit siècles plus tôt, oblige les philosophes à se réfugier en Perse, emportant avec eux leurs livres et leur enseignement.
La fondation d’un monastère sur le mont Cassin sur les ruines du temple d’Apollon, par le jeune Saint Benoit, et avec lui, l’ordre des Bénédictins.
Dans cet Occident en pleine réorganisation, la science n’est pas morte :
Boèce et Cassiodore, conseillers successifs du roi Ostrogoth Théodoric le Grand, essayent de sauver l’héritage gréco-romain tombé aux mains des barbares et de préparer sa transmission.
Au VIIIe siècle, Charlemagne va tenter de recréer l’Empire d’Occident.
Sur le territoire de l’Empire Carolingien, (env.1 million de km2) grâce aux butins de ses conquêtes, il finance :
La construction d’églises et de monastères et fonde sa capitale à Aix-la-Chapelle.
Rêvant de l’école pour tous, il multiplie les écoles paroissiales.
Il souhaite un clergé instruit pour administrer l’Empire et impose le latin comme langue commune.
Il généralise les Scriptoriums dans les monastères, où env. 8000 manuscrits seront conservés et copiés.
Dans cette tâche d’acculturation de son empire,
Charlemagne, fait appel à Alcuin de York, l’homme le plus savant de son temps. Il rassemble autour de Charlemagne avec l’Académie Palatine toute l’élite intellectuelle d’Europe avec pour objectif de faire de la Francie la nouvelle Athènes.
Pendant ce temps à Byzance, la science, enregistre peu de progrès, mais grâce aux Académies d’Athènes et d’Alexandrie et à l’Université de Constantinople, elle va préserver la culture antique et la transmettre au monde musulman.
La science Alexandrine migre à Constantinople (VIIe siècle), sous la poussée de la conquête arabe, (astronomie et mathématiques).
Le premier physicien du Moyen Âge byzantin, Jean Philopon, réfute la théorie du mouvement violent d’Aristote, où l’air pousse la pierre lancée, et la remplace par le concept de « Vis Impressa », force motrice incorporelle.
Avec l’expansion de l’Islam (VIIe et VIIIe siècle), et la montée de l’Empire Musulman des Omeyyades, englobant tout le sud et l’est du bassin méditerranéen, tous les grands centres intellectuels gréco-romains du Moyen-Orient byzantin vont tomber en moins d’un siècle entre les mains des arabes avec des dizaines de bibliothèques de monastères et des capitales régionales.
Au début du VIIe siècle, l’arabe devient la langue officielle de l’Empire.
Les Abbassides renversent les Omeyyades (VIIIe siècle) et établissent leur capitale Bagdad à l’image de leur empire, puis au IXe siècle, l’Empire Abbasside, trop grand pour pouvoir être dirigé par un pouvoir califal unique, se fractionne, les territoires réclamant leur indépendance.
À Bagdad, « la ville ronde » sa fabuleuse capitale, le calife Al-Mansour, fonde la « Maison de la Sagesse », en offrant sa bibliothèque personnelle aux savants et aux érudits parlant l’arabe, le syriaque, l’hébreu, le persan et le turc.
Elle intègre peu à peu la plus riche bibliothèque d’œuvres originales grecques en médecine, astronomie, mathématiques et logique, alimentant des activités d’enseignement de recherche et de publication.
Elle fournit aussi un cadre institutionnel à la science, avec une professionnalisation des savants qui traduisent, copient et critiquent les plus importants ouvrages gréco-romains.
Dans tout l’Empire Byzantin, on recherche des érudits polyglottes et lettrés capables de traduire les diverses langues des textes recueillis et on achète la plupart des manuscrits grecs.
Faute de nouveaux textes à traduire, l’activité de traduction va s’éteindre dès la fin du Xe siècle, mais la Maison de la Sagesse restera ouverte jusqu’à la destruction des bibliothèques de Bagdad, par les mongols en 1258.
L’universalité des savoirs :
L’apparition des califats rivaux Fatimide du Caire et Omeyyade de Cordoue affaiblit l’Empire Abbasside au IXe siècle et ce référentiel commun pour les sujets de l’Empire disparaît : Un califat unique garantissant un état stable et constituant l’autorité supérieure des croyants.
La connaissance à la place de l’ordre impérial :
Dorénavant dans l’espace islamique, les réseaux de savants travaillant sur les œuvres des grands maîtres antiques maintiennent, d’une autre manière, la cohésion que garantissait l’ordre impérial.
L’âge d’or de la science arabe :
Les résidents de la Maison de la Sagesse effectuent de nombreuses découvertes dont mathématiques avec leurs démonstrations.
Al-Khwârizmî pose les bases de l’algèbre moderne en établissant deux procédés fondamentaux :
La restauration (al-jabr) et la comparaison (al-muqababa) permettant de résoudre de nombreux problèmes concrets : héritages, transactions commerciales, arpentage des terres…
La méthode géométrique, dite « de complétion du carré » permet de résoudre les équations du deuxième degré.
Al-Karaji libère l’algèbre du joug de la géométrie en permettant de manipuler des expressions algébriques plus complexes que le 1er et 2ème degré.
D’une plus grande capacité d’abstraction, Al-Karaji ouvre la voie à l’algèbre arithmétique :
Ses travaux montrent que l’algèbre peut se nourrir exclusivement de nombres et qu’elle n’a pas besoin de la géométrie pour évoluer.
Omar Khayyam : Il tente de résoudre les équations du 3ème degré en remplaçant l’équation originale par deux équations plus simples. Il regrette cependant de devoir encore utiliser simultanément la géométrie et l’algèbre
Alhazen : 6 siècles avant Galilée, il pose les bases de la méthode scientifique, fondée sur l’observation répétée des phénomènes, leur reproduction, la théorisation des résultats de l’observation et l’élaboration de lois exprimées à l’aide d’outils mathématiques.
Il applique sa méthode de travail à l’optique où il critique le cône visuel d’Euclide, selon lequel la vision est constituée de rayons très fins, émis par l’œil qui enveloppe l’objet vu, (le palpent…).
Pour Alhazen, l’œil n’illumine plus l’objet, il reçoit la lumière que celui-ci réfléchit.
Avicenne : Prince des Savants :
Il élabore les fondements de la théorie de « l’Impe tus » soit « l’élan », en améliorant la théorie du « Vis Impressa » de Philopon conçue 5 siècles plus tôt.
En astronomie, la science arabe se contente d’améliorer la précision des tables astronomiques en construisant de gigantesques observatoires astronomiques.
Averroès
Médecin célèbre, commentateur d’Aristote et père de la doctrine de la double vérité selon laquelle il faut distinguer la vérité philosophique de la vérité religieuse.
Le calife Al-Mansur lui reproche alors de déformer les préceptes de la foi et fera brûler ses livres, tout en interdisant la philosophie, les études et tous les livres.
Le monde arabe va donc perdre dès lors tout contact avec le progrès scientifique.
La prise et le saccage de Bagdad en 1258 marque le déclin du monde scientifique arabe.
Leurs découvertes scientifiques des XIVe et XVe siècle ne seront pas traduites en latin et ne parviendront jamais en Occident.
Dans la prochaine conférence, au XIe siècle, l’Occident va se réveiller :
Un puissant essor économique va mener à la renaissance des villes, à un besoin de nouveaux savoirs et de nouvelles technologies, donnant naissance aux cathédrales et aux universités et à la 1ère révolution industrielle… La science occidentale ne n’arrêtera plus…
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